Psychologie de groupe


Je n’aime pas du tout la tendance actuelle qui est de considérer une équipe comme une entité à part entière, comme si l’individu disparaissait devant l’équipe.

Aussi, je vais vous expliquer les ressorts psychologiques dans une équipe.
Cela devrait vous aider à mieux comprendre la diversité des individus et comment ils fonctionnent.

L’équipe

Une équipe, c’est tout d’abord un ensemble d’individus.
Cet ensemble devient une équipe à partir du moment où ses membres partagent un but commun.

Comment comprendre une équipe ?

Je ne peux pas comprendre une équipe sans connaître les attentes de chacun de ces individus.
Quand j’observe une équipe, je vois avant tout des individus, qui sont tous pilotés par leurs propres désirs.
Je vais vous décrire les mécanismes très simples qui pilotent ces individus.
Ils sont de deux ordres: la recherche de valeur intérieure et la recherche de valeur extérieure.

La recherche de valeur intérieure

En tant que membre d’une équipe, je veux sentir que je fais partie de l’équipe.
Si le groupe m’accepte, alors je peux facilement confirmer que j’ai une vraie valeur intérieure: je ne suis ni détesté ni ignoré !
Pour rappel, l’ordre de préférence est:

amour > haine > indifférence

Comme je veux être accepté par l’équipe, je vais faire tout mon possible pour m’intégrer.
Cela peut inclure toutes les nuances entre le fait d’être simplement moi-même ou à l’opposé jouer un rôle plus ou moins facile à tenir.

La recherche de valeur extérieure

En tant que membre d’une équipe, je veux montrer que je suis utile au groupe.
Si le groupe apprécie ce que je fais, alors je peux facilement confirmer que j’ai une vraie valeur extérieure: je ne suis pas inutile !

Comme je veux montrer mon utilité, je vais tout faire pour démontrer ma compétence, quitte à cacher mes incompétences.

En cas de rejet

Quand je suis rejeté par un groupe, je sens tout de suite que ma valeur intérieure ou extérieure est remise en cause.
Comme j’ai basé pas mal de mon identification sur cette valeur, je vais énormément souffrir, pas tellement à cause du rejet, mais bien à cause de la négation de mon propre repère de valeur.
Si le groupe ne voit pas ma valeur intérieure (ma personnalité), alors je vais me sentir détesté.
Si le groupe ne voit pas ma valeur extérieure (ma compétence), alors je vais me sentir inutile et nul.
En cas de rejet, je ne vaux plus rien !

Quelques comportements

Curieusement, ce modèle super simple décrit absolument tous nos comportements dans un groupe.

En voici quelques uns:

  • je suis hyper sociable: j’essaye à tout prix de m’intégrer, même si je n’apporte rien d’utile au groupe. Je fais semblant d’être débordé de travail, l’essentiel est de bien tenir mon rôle.
  • je suis hyper compétent: j’essaye à tout prix de me montrer utile, même si je me fiche des relations humaines. Je préfère être détesté qu’ignoré. Je vois bien que je suis le meilleur de mon équipe. Si quelqu’un de plus fort que moi apparaît, je vais me sentir mal.
  • je suis compétent et sociable: je veux montrer que je suis à la fois très intégré et très utile. J’aime beaucoup l’idée d’être parfait, même si cela me demande beaucoup d’efforts. Je carbure pas mal au café et à la clope, afin de tenir le coup. Je vis pour mon travail.
  • je suis équilibré: j’essaye d’être à la fois compétent et sociable sans excès, cela renforce l’idée que je me fais de l’équilibre. Je suis quelqu’un de « normal », ce qui confirme que je ne suis pas fou.
  • je suis une merde: si j’ai une vision négative de moi-même, me sentir rejeté et inutile va me confirmer ma propre opinion négative. Je me complais dans cette image de moi-même et j’aime me mettre en échec, surtout par habitude.

Pourquoi j’agis ainsi ?

Chacun a son réglage unique de paramètres entre les extrêmes de la valeur extérieure et de la valeur intérieure.
En fait, ce réglage vient de notre enfance, des premiers modèles de valeur que notre éducation nous a appris.

Dans mon cas personnel, mes parents ont toujours insisté sur le côté utile, et jamais sur le côté sociable.
Ce qui fait que j’ai toujours privilégié la compétence par rapport à l’intégration.
Je pensais même que moins j’étais intégré, et plus cela montrait que j’étais compétent !

Ce réglage change tout le temps, en fonction de ma perception du groupe où je me trouve: est-ce que je reconnais un modèle familial ou un autre modèle ? En fonction de ma perception, je change d’attitude.

Comment corriger ces schémas dysfonctionnels ?

Personnellement, j’ai réussi à me reprogrammer entièrement, mais malheureusement il n’existe pas de méthode simple.
Je vais quand même vous décrire comment je m’y suis pris.

J’essaye d’être moi-même

Cela demande une bonne dose de courage, mais j’essaye toujours d’être le plus honnête possible envers moi-même.
Cela implique de faire tomber tous mes masques, d’avouer mes propres lacunes aux autres et d’admettre ma propre « nullité ».

Etre honnête avec soi-même s’apprend auprès des autres. La technique la plus simple est de consulter un psy ou d’avoir un confident proche, et surtout de ne rien lui cacher.
Un carnet de confidences fonctionne tout aussi bien, l’essentiel étant d’apprendre à exprimer ses propres limites, sans rien chercher à corriger.

Je laisse tomber tout système de valeurs

Malheureusement, tant que je cherche à mesurer ma valeur, je ne peux pas sortir de ces limitations.
Je dirais même que la maturité n’est arrivée que quand j’ai abandonné l’idée de m’intégrer ou de me montrer compétent.

Cet abandon intérieur surgit suite à une prise de conscience profonde, bien au delà des mots.
Malheureusement, personne ne peut vraiment nous aider à ce niveau-là, mais la vie nous pousse dans cette direction.
Tout dépend du degré de résistance de chacun à la réalité: plus on s’accrochera à sa valeur et à sa situation actuelles, plus on souffrira.

Conclusion

J’ai décrit quelques-uns des comportements dans un groupe, et vous ai expliqué comment ils se mettaient en place.

Maintenant, c’est à vous:

percevez-vous comment vous vous comportez dans chacun des groupes que vous fréquentez ?

Regardez vos modèles de l’enfance et comparez-les avec vos comportements actuels.

Ne cherchez pas à changer ! Soyez simplement le témoin de vos comportements, qui ne sont ni bons ni mauvais.
La simple acceptation de vos comportements (aussi culpabilisants soient-ils) fera que vous changerez naturellement et sans effort.

4 réflexions sur “Psychologie de groupe

  1. Merci pour cette belle synthèse JC.

    Une remarque sur cette phrase :
    « Je dirais même que la maturité n’est arrivée que quand j’ai abandonné l’idée de m’intégrer ou de me montrer compétent. »
    => comment définis-tu la maturité ?
    => comment sais-tu que tu l’as atteinte ?

    • Bonsoir Tony,

      Désolé pour ma réponse tardive.
      Je dois avouer que ta question m’a un peu embarrassé, parce que tu es tombé pile sur l’endroit où je me vantais un peu.
      Tu le fais exprès, avoue !

      Tout d’abord, comment est-ce que je définis la maturité ?
      En fait, il y a toutes sortes de maturités, et je parlais ici de maturité émotionnelle.
      La maturité émotionnelle arrive quand tu ne l’attends plus mais après l’avoir longtemps cherchée.
      Elle se définit par un détachement intérieur profond, un peu comme si tu avais 200 ans et que tu avais vécu tout ce qu’on pouvait vivre, ce qui fait que tout ce que tu vis est dénué d’affect émotionnel (mais il en reste encore, je ne suis pas un robot !).
      Il n’y a plus de jugement ni sur soi ni sur les autres, mais ce n’est pas un état de bonheur perpétuel, à la peace and love.

      Je ne sais pas si ma réponse est claire, mais en tout cas, c’est ma définition.

  2. Merci pour cet article. Je trouve interessante la distinction entre « social » et « compétence ». J’ai aussi tendance à privilégier la compétence mais çà peut créer une réputation de « 1er de la classe ». Pour mieux faire passer la pilule et eviter les jalousie, il faut aussi sociabiliser… alala !

    • Je n’avais pas formulé cela ainsi, mais c’est exact.

      Je me souviens d’une anecdote (je crois dans un livre de Dale Carnegie):

      Un élève brillant avait d’excellentes notes en classe.
      Un jour, il a décidé de se sociabiliser en faisant baisser ses notes (peut-être pour paraître plus abordable aux autres élèves).
      Dale Carnegie explique qu’il est ensuite devenu un homme politique brillant.

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