Je voulais publier mon deuxième article sur l’Advaïta, mais j’ai été rattrapé par l’actualité.
En effet, j’habite à Juilly, qui est un village dont la ville la plus proche s’appelle Dammartin-en-Goële.
Il se trouve que les assassins des journalistes de Charlie Hebdo se sont fait tuer à Dammartin.
A l’origine, je voulais écrire un article déclinant la chaîne des responsabilités dans cette triste affaire, mais je me suis dit que ce serait plus intéressant de décrire les mécanismes intérieurs d’un fanatique de l’Islam.
L’idée vient aussi de cet article mais dont je trouve l’approche trop obsédée par l’émotionnel.
Je précise que je ne suis pas un fanatique, mais que je connais suffisamment les mécanismes intérieurs pour imaginer comment les processus se mettent en place (j’ai peut-être tout faux !).
J’ajoute que je ne connais rien à l’Islam, en dehors d’avoir lu la page sur Wikipédia.
A partir de maintenant, je vais me mettre à la place d’un jeune qui devient progressivement un fanatique.
Les racines
Au sortir de l’adolescence, je réalise brutalement le vide de mon existence, qui est d’autant plus apparent si je n’ai pas d’activité.
Une question se fait insistante: « quel est le sens de ma vie ? »
Je prends conscience que je n’ai rien fait de « bien » de ma vie, et je vois bien c’est mal barré pour que quelque chose de bon apparaisse.
La religion
Je ne suis pas intéressé par la religion musulmane officielle, parce que je rejette ce que sont mes parents. Il me paraît évident qu’ils n’ont pas réussi leur vie, alors je ne veux pas reproduire leurs erreurs.
Je croise un imam qui me parle du sens de la vie et qui a l’air d’avoir trouvé du sens dans la sienne, surtout parce qu’il est très différent de mes parents, qui passent leur temps à m’engueuler.
Au contraire, lui, il est très patient, il m’écoute et me donne beaucoup de son temps.
Cet imam n’est pas un imam « officiel », mais cela prouve justement que son Islam est plus pur, moins édulcoré que celui de mes parents.
Je me reconnais dans ce qu’il dit, et en plus il me promet de m’aider à trouver du sens à ma vie.
L’acquisition de connaissances
Il m’explique que je vais trouver du sens à ma vie grâce aux connaissances qu’il va me transmettre.
L’enseignement dure plusieurs mois, mais il est très progressif, il va me donner les informations petit à petit afin que je les assimile à mon rythme.
Le point principal est que « Islam » signifie « Soumission », il suffit donc de me soumettre à la volonté divine, ou plus exactement à son représentant sur Terre: l’imam.
Au début, je me méfie, parce que ça me semble quand même un peu louche.
Mais au fur et à mesure, je constate que l’imam n’attend rien de moi et qu’il me donne de son temps pour partager toutes ses connaissances gratuitement. J’admire sa patience, j’aimerais tant lui ressembler.
Quand je l’écoute, tout a l’air simple.
Le désir de perfection
Je suis très insatisfait de ce que je suis.
Alors quand il me dit que je peux m’améliorer et qu’il suffit pour cela de suivre les préceptes de l’Islam, je me dis: pourquoi ne pas essayer ?
En plus, c’est super facile, il n’y a que 4 pratiques à suivre:
- la foi en un Dieu unique, Allah, et la reconnaissance de Mahomet comme étant son prophète
- l’accomplissement de 5 prières quotidiennes
- la charité envers les nécessiteux
- le respect du jeûne lors du mois de ramadan
De plus, il va me donner quelques exercices que je devrais pratiquer, comme développer une qualité donnée pendant une semaine.
Comme ma vie est vide de sens et que j’ai du temps libre, je me mets à fond dans cette pratique, parce que je sens que je vais changer radicalement: je peux enfin devenir quelqu’un de meilleur !
La confrontation à la réalité
Malheureusement, malgré tous mes efforts, je vois bien que la perfection est dure à atteindre.
L’imam m’explique que mon cœur n’est pas assez pur.
Il insiste sur le Djihad, qui est un combat pour faire disparaître mon manque de foi, parce que si je n’arrive pas à changer, c’est parce que je manque de foi, c’est évident !
Il m’explique qu’il y a 4 étapes de djihad: par le cœur, par la langue, par la main et par l’épée.
Oui, j’ai la foi, mais comment la prouver ?
Les preuves de foi
C’est impossible de prouver la foi par le cœur.
L’imam m’explique qu’il a choisi le djihad par la langue, c’est pourquoi il prêche la parole d’Allah.
Mais il pense que je peux faire mieux que lui, que je peux devenir la main d’Allah.
Il m’explique que le plus haut niveau de djihad est par la main et par l’épée, c’est à dire en luttant directement contre les infidèles.
Et c’est facile: je suis entouré d’infidèles !
Au début, je m’y refuse, parce que je tiens encore un peu à ma famille.
Mais au premier gros conflit, je vois bien que ma famille est limitée et qu’elle ne peut comprendre ma foi en Allah.
Quand je confie à l’imam que je suis prêt pour le djihad par la main et l’épée, il sourit: il a compris que j’étais prêt à me sacrifier.
Conclusion
J’ai essayé de décrire le processus intérieur de radicalisation.
Ce processus est mis en place progressivement, afin que l’adepte déduise seul l’unique conclusion possible.
Le levier principal de manipulation est que l’adepte est insatisfait de ce qu’il est, et croit qu’en suivant quelques exercices, il va devenir meilleur.
Comme il constate qu’il n’y arrive pas, on lui explique qu’il ne fait pas assez d’efforts et qu’il n’a pas le cœur assez pur.
En réalité, l’adepte refuse ce qu’il est, c’est pourquoi il ne peut pas changer.
Le changement ne vient qu’avec l’acceptation, donc ce qui se passe est simplement que l’adepte essaye d’adopter un comportement artificiel, qui est contraire à ce qu’il est profondément.
Plus je me force à agir comme quelqu’un d’autre, moins je suis moi-même.